9.28.2005

J'ai perdu la mémoire

"Essayez de réfléchir à ce que vous voulez cacher"

Je retombe sur cette phrase, bien cachée au creux de ce que je fuis.

Tellement, tellement, tellement, tellement.

5.20.2005

L'origine

40 mois, 1200 jours ou un peu plus. Et il y a encore des jours où je me sens fracassée comme à coup de masse, le ventre en miettes et les jambes en coton. La souffrance est tenace, ta mort est contondante. Il n’y a pas tellement d’espace où la perte de toi s’amoindrit, j’ai encore la gorge qui se serre à m’en briser les mâchoires, à me tirer les larmes, à m’en donner le vertige.
40 mois, le temps qui passe, sans toi ; et cette idée, tenace, que tu continues à grandir en parallèle de moi, en nous couvant du regard, avec amour, tendresse, gravité et humour. Les petits événements de ma vie, je suis à chaque fois au bord de te les dire, presque la main sur le téléphone, presque le cœur au bord des yeux quand je croise certains filles, dans la rue, familières familières… La terrible survivance de chair, du souvenir qui se fige en un moment donné. Je n’ai plus un stock infinie d’images mentales de toi. Et ça, c’est tout aussi terrible. Des instantanés que je retrouve à peine, dans une silhouette, dans le sourire de tes sœurs, dans un regard, dans l’odeur d’une peau. Qui se rapprochent tellement, petit à petit, inexorablement, d’un travail d’imagination, de réinvention, bien plus que de mémoire. Ta liberté, ton assurance fragile, ton pouvoir sur les hommes, ta franchise, ton demi-sourire contredit par tes yeux qui se voilent, ton regard attentif, ta curiosité, ta voix quand tu t’énervais, ton rire de fou rire, l’odeur de tes cheveux, tes jambes toutes fines dans ces grosses chaussures, tes doigts plein d’encre de Chine, la peinture sur tes pulls, tes sacs pleins à craquer, ton écriture fine, tremblée, tes blagues idiotes, les mêmes que les miennes, ta confiance en moi, ta main sur ma nuque, ta main dans mes cheveux, ton sourire juste pour moi.
Nous avions le même âge, la même taille, et quelques ambitions communes : être libres, écrire, savoir chanter un jour, aimer passionnément, faire un enfant, revenir au pays souvent, au coin du feu, pour nous raconter nos histoires, boire du vin, et regarder la nuit qui tombe en silence.
C’est long, 40 mois, c’est infiniment long, et inexplicablement court.

4.29.2005

Retrouvé

mes mots aujourd'hui sont nus,
comme nue je suis au dedans de moi
douce et polie par tes mains comme autant de vagues
ou de fleurs
ou de pierres
ou de cris

nue je suis
à l'intérieur de moi
qui suis comme à l'intérieur de toi
au creux de ta main
au chaud de nos nuits

et mon ventre qui bat
chaque pulsation comme un rappel
de chaque seconde passée hors de toi
palpite
palpite
palpite

je suis autour de toi
au dedans de toi
et mes mains restent soudées
à tes reins.

4.06.2005

Peu de choses, savez vous

Il y a fort peu de choses qui soient vraies en ce monde
Vrai comme ton sourire qui éclate comme un soleil
Vrai comme l'amour qui se divise en rayons d'égale chaleur
Vrai comme mon coeur qui se noue et se croise
Vrai comme cette ville que j'espère de tout mon coeur
Vrais comme deux jeunes hommes à peine éclos, qui comme deux jeunes hommes veulent raconter toutes les histoires du monde, à leur idée absolument
Vrai comme ce nom Doatéa qui claque comme un drapeau
Je ne t'oublie pas
Je ne t'oublie pas
Je suis là chaque jour, je suis là chaque moment de ma vie que je perds à te croire
A croire en toi absolument
A raconter notre histoire
A imaginer un futur pour deux

(et dieu que ça me coûte)

3.24.2005

Boire et noyer

Je me sens belle avec la pluie sur le visage
La fatigue, l'eau, les larmes, me lavent toute entière
Ruissellent les peurs et les indifférences
Goutte à goutte doucement sur ma peau
Mais demeure au contact cette odeur de liquide, l’envie d’ouvrir les lèvres, de boire une chaleur diffuse. Envie d’être noyée, de le voir me noyer avec ses grandes mains et sa force si douce. Etre ruisselante et nue. En secret, en offrande. Divisée en affluents multiples, ces petites rigoles qui tracent autour de lui un fin réseau d’envies, de désir éperdu, et de curiosité aussi.

Un jeune dieu sauvage

C’est une telle beauté souterraine, c’est une telle marée obscure, ce sang qui court et roule dans les cavernes de mon cœur, ce grondement doux et fluide, cette respiration, ce vide.
Un reflux d’émotion, un soupir, une longue inspiration, un battement de paupière.
Il est si beau, mon dieu, et si jeune encore, ce désir ces mystères ces heures qui se croisent, et mon cœur s’agrandit comme pour le recevoir, sans un bruit, sans un éclat. Sans une cassure de chair au murmure fragile ; sourd comme un coquillage à l’oreille, le mouvement lent des pulsations de mon sang, vers toi, vers toi, vers toi.

3.23.2005

Blanc comme neige, transparent comme un fantôme

Je les regarde tous,

Et tu n’es parmi eux.

Et les détailler, tous, et les envisager

Et ne jamais trouver

Autre chose que ce jeu, ces masques,

L’interminable absence de ma réalité

Mon univers mon fantôme.

Imaginer tes gestes, tes regards

La respiration courte.

Tu es ma poésie secrète

Tu es ma nuit et mon rivage

Tu es mon plus précieux abîme

Ma solitude, mon désert


Ca et eux

L’angoisse m’est revenue, avec elle son cortège de fantômes grinçants, les vagues tremblantes de froid de précipices.

L’angoisse, la glace, la peur de faire mal, la peur de mal faire, d’être mal, d’avoir mal.

Les tourbillons d’écume autour de ma tête, l’irrationnelle présence du pire, toujours proche, sans cesse à venir.

Les mots qui trébuchent et s’entrechoquent.

La honte, pesante, qui colle à mes gestes. Un décalage élaboré, nourri, entre fantasmes et envies ; désirs, motivations, prudence.

Les serrures qui se ferment une à une à l’intérieur de moi. Faire croire que. Donner le change ; échanger moi pour moi, et toute la peine du monde à trouver une échappatoire.

Ces regards qui interprètent, qui analysent, qui croient tout deviner. L’idée de savoir mieux que moi largement partagée, entre eux et moi, pas de distances.

Pas de recul.

Je n’arrive pas à trouver l’air.

Je ne respire plus.

Je ne respire plus.

3.22.2005

Bataille

C’est quoi, lutter contre ?

Mon visage redevient nu et lisse comme au premier jour de ma vie, où je ne connaissais pas encore la douleur de toi.

Ma figure redevient ce terrain lisse et nu aux frontières floutées, où s’affrontent aujourd’hui manque et désir de toi, en charpie, en bataille.

Aussi immobile que l’eau, aussi immobile que l’air je suis deux et je ne suis qu’une, celle qui mord pour toi et qui crie.

Celle qui se tait et regarde se défaire, autour d’elle, comme un grand vent, les morceaux de silence empilés par les ans. Où s’effilochent celle qu’elle croit et celui qui n’est pas, plus ou perdu.

J’ai des mots qui se frôlent dans ma tête, inconstants, errants, inachevés parfois, dérisoires toujours. J’ai des bouts de ma tête qui te frôlent.

Toutes les parties de moi se désunissent et s’enroulent en spirale, ma chair éclate et roule sous la paume, je voudrais,

je voudrais.

Oubliés sommeil moutons rêves bleus

J’ai oublié le rêve, et l’angoisse du réveil.

Je me suis transformée en fourmi batailleuse, travailleuse, pointilleuse, tous ces mots qui se prononcent bouche fermée.
Je suis à demie nue, cachée autour de mon ventre, égoïstement, absolument, par survie et par réaction, par incapacité à voir de nouveaux signes.
Je suis un ventre, un ventre rond et doux, et un corps qui est mon arme de lutte.
Je suis une bouche, et des yeux qui aiment, mais qui ne peuvent pas plus, et rassurer et lutter, et se concentrer et s’oublier.

2.13.2005

Si on savait

C’est les larmes de sang. C’est regarder en soi jusqu’à la nausée, claustrophobe, abîme.

C’est écouter le vent, dehors, frapper des tous ses poings, ses poings comme des pierres, ses coups comme des fous, violence à ma fenêtre.

C’est sentir que la douleur seule m’accouche, et le bon vin, avec des mots riants et pleins de fausses promesses.

C’est voir mon peu de courage trébucher mes volontés, mes envies, mes souhaits de perfection.

C’est ne plus écrire qu’en douleur, mal, vite, comme ça pousse, malgré la musique qui me veut m’arrêter.

C’est m’écarteler entre ces directions.

C’est tout ignorer du final.

C’est ne plus pouvoir attendre.

C’est écouter le vent.

2.02.2005

Ces jours

Il y a des jours où je me sens terriblement nue face au monde. Où je sens mon visage palpiter comme un coeur, transparent aux angoisses qui m'habitent.
Il y a des jours où tout est insurmontable, traverser le chemin sur toute sa longueur, éviter les regards et les mots.
Traverser les regards et les foules.
Offrir un front uni.
Aller à l'essentiel, ne pas douter, ne pas m'immerger en moi même.
Je les entends murmurer dans ma tête, les petites voix de l'angoisse.
Je la sens s'approcher, la terrifiante étreinte, l'aspiration du vide.

2.01.2005

L'autre vie

J'ai longtemps pensé qu'il existait une autre vie.
Ailleurs, un bonheur facile, une route large et sans heurts.
Une vie qui m'est inaccessible, mais enviée, désirée. Un bonheur étranger, étrange, distant.
J'ai longtemps cru que j'étais loin de cette voie, la voie de tous les autres, le bonheur hors de moi.
La voie de tous les autres.
Et puis je me réveille, un pas après l'autre, vacillante, bousculée, dans une seule et même vie en partage.

1.20.2005

Ne pas baisser les bras.

Ne pas baisser les bras.
Entretenir la distance salvatrice, celle qui fait me réfléchir dans le miroir de moi, voir venir les débords
Voir venir les angoisses - celles auxquelles je dois donner un autre nom -
me comprendre avant la chute
"Essayez de réfléchir à ce que vous voulez cacher"

Dit-elle…

1.18.2005

encore

Ecrire à nouveau, comme si, haut et fort, ou à toute petite voix qui se force et se gonfle pour paraître plus grosse que le boeuf.
Trouver des échos, une démarche qui se cherche.
Trouver des supports, de ceux qui vous attendent en silence et vous portent vers votre destination, sans rien ajouter, sans un mot de plus.